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LE BATEAU À VAPEUR.

trouver ma récompense. — Bien, Marcel ! lui dit son père, en lui serrant la main, c’est très-bien ! »

La comtesse, convaincue qu’elle ne pourrait s’acquitter avec de l’or, eut recours à de pressantes invitations qu’elle fit au jeune Bertrand, de venir passer une partie de ses vacances à sa terre, où il pourrait jouir des plaisirs de la chasse, de la pêche, et trouver tous les amusements d’une société nombreuse et choisie. « Du tout, du tout ! répond le père Bertrand : vous lui feriez accroire qu’il est un grand personnage ; et j’en ai besoin, moi, pour expédier mes mémoires de l’année. Tout ce que je puis faire, Madame, ajouta-t-il avec un malin sourire, c’est de vous le présenter la première fois que j’irai mettre vos vins en bouteilles. » La comtesse, femme d’esprit, sentit toute la portée de cette plaisanterie, et se promit d’en profiter pour convaincre ces dignes gens que, parmi les personnes de qualité, il en est qui savent honorer toutes les professions utiles, et rendent aux vertus personnelles l’hommage qui leur est dû.

Peu de temps après, en effet, le père Bertrand et son fils se rendirent au château de la comtesse de Fierville. Marcel, d’après les ordres de son père, avait pris, ainsi que lui, le modeste costume de tonnelier, c’est-à-dire la veste et le pantalon de velours de coton vert pâle, la casquette de coutil et le tablier de cuir. Ils étaient curieux l’un et l’autre de voir quel accueil on leur ferait. Dès qu’Alfred aperçut son jeune camarade, il courut à sa rencontre, et lui prouva tout le bonheur que lui faisait éprouver sa présence ; il serra très cordialement la main du père, qu’il appelait monsieur Bertrand, et les présenta tout de suite à sa mère, qui jugea sans peine l’épreuve que voulait faire sur elle le malin tonnelier. Celui-ci fut touché, confondu de la gracieuse urbanité de la comtesse. Elle embrassa Marcel comme le sauveur de son Alfred, et lui déclara que, partout où le hasard le lui