Page:Waldor - Heures de récréation, 1890.pdf/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
LE BATEAU À VAPEUR.

que, partout où ils se trouvent, on doit rendre hommage soit au nom dont ils ont hérité de leurs ancêtres, soit à l’opulence qu’ont acquise leurs parents dans le commerce ou dans la banque.

J’étais parti de Paris par une belle matinée du mois d’août, dans une de ces embarcations nouvelles qui franchissent, même en remontant le cours du fleuve, de longues distances en peu de temps, et vous font parcourir les belles rives de la Seine avec une rapidité qui vous laisse à peine le loisir d’examiner les sites ravissants et les belles habitations qui passent devant vos yeux comme les figures d’une lanterne magique. Les vacances venaient de s’ouvrir dans les lycées de Paris ; et plusieurs jeunes élèves, qui voguaient avec moi sur le fleuve, exprimaient par leur hilarité le bonheur qu’ils éprouvaient d’aller revoir le foyer paternel et tout ce qui devait leur rappeler les jeux de leur enfance. De mon côté, je prenais un grand plaisir à faire une étude particulière de ces jeunes lauréats ; et bientôt reconnu par un des voyageurs, qui me nomma, j’eus l’inexprimable jouissance d’être salué par ces lycéens, comme un des auteurs dont ils aimaient à parcourir les écrits.

J’eus pour approbateurs tous les lycéens dont j’étais entouré, à l’exception d’un seul, que j’entendis nommer Alfred, petit-fils d’un pair de France, et l’unique enfant de la comtesse de Fierville, qui possédait une terre considérable dans les environs de Melun. Il avait quitté son uniforme du lycée pour endosser un élégant costume de fantaisie, sous lequel il se gourmait et semblait faire bande à part. Il était escorté d’un bon vieux valet de chambre, et ne se soumettait guère à cette égalité parfaite entre amis de collège. « Voilà, me dis-je en moi-même, un jeune présomptueux qui, tôt ou tard, se repentira de faire le grand seigneur… » Ma prédiction ne tarda pas à se réaliser. Un vent contraire,