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LA LEÇON MATERNELLE.

l’accueil gracieux que leur faisait leur mère, lorsqu’ils allaient la visiter. Jamais le moindre nuage sur son front, jamais le moindre reproche sur ses lèvres… Un soir cependant qu’elle était occupée à faire une lecture attachante, entre Arthur, l’air triste et la démarche incertaine. Il prend un tabouret, s’assied aux pieds de sa mère, et, la regardant, les yeux mouillés de pleurs, il lui dit du ton le plus expressif : « Voilà pourtant quinze grands jours que tu es prisonnière, tandis que mon frère et moi nous nous livrons à tous les plaisirs dont nous sommes entourés !… mais je n’y tiens plus ; et cette pensée que notre mère est captive, tandis que nous parcourons toutes les promenades, et qu’elle souffre lorsque nous nous amusons !… Oh ! cela me déchire et m’accable. Il faut absolument que cela finisse : et, dès demain, je prétends prendre une première leçon de lecture. Vois-tu cette alphabet que notre bonne gouvernante a bien voulu m’acheter sur mes semaines ? il ne me quittera pas que je ne sache lire tout couramment. » La mère, émue elle-même jusqu’aux larmes, prend son fils dans ses bras et le couvre de baisers, en s’écriant avec ivresse : « J’étais bien sûre que tu me reviendrais… Non, la nature ne perd jamais ses droits… Pourtant, je l’avouerai, j’ai trouvé la quinzaine un peu longue. » Et aussitôt la recluse s’empresse de donner la première leçon à son fils, qui ne cessait de répéter : « Oh ! maman, que c’est difficile ! je crains bien que tu ne restes longtemps prisonnière. — Ton aptitude et ta patience, cher enfant, abrégeront ma captivité. »

Le lendemain matin, Arthur retourna prendre sa seconde leçon, qui lui parut moins effrayante ; et comme il descendait de chez sa mère, son alphabet à la main, il rencontre Frédéric dans l’escalier qui lui dit : « Eh ! d’où viens-tu donc ? je t’ai cherché partout. — Je viens de chez maman prendre ma leçon de lecture. — Comment, sans m’en pré-