Page:Waldor - Heures de récréation, 1890.pdf/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
LA LEÇON MATERNELLE.

pas possible de s’enterrer vivante. — Eh bien ! je vous prouverai, je l’espère, de quels sacrifices peut-être capable une mère qui sent bien toute la dignité de son titre, et les devoirs que lui prescrit la nature.

Madame Darmincourt continua donc à se tenir dans la solitude, où ses deux enfants allaient chaque matin l’embrasser, mais auxquels jamais la tendre mère ne parlait de la résolution qu’elle avait prise. Elle était la première à leur dire d’aller se livrer aux jeux de leur âge, croquer les friandises que leur réservait leur grand’mère, et la bien divertir par leurs joyeuses espiègleries : ce qu’ils ne manquaient pas de faire ; et l’heureuse aïeule, s’imaginant l’emporter sur sa bru, redoublait de cajoleries pour ses petits-enfants et ne cessait de répéter : « La recluse n’y résistera pas ; et je gagerais que bientôt elle reconnaîtra sa romanesque extravagance. »

Cependant le bal avait eu lieu chez le commandant de la place de Paris, sans qu’on y vit paraître madame Darmincourt. Toutes les personnes qui se présentaient chez elle n’étaient reçues que par sa belle-mère s’égayant toujours à ses dépens, au point qu’on fut instruit, dans tous les cercles que fréquentait la femme du colonel, de l’étrange détermination qu’elle avait prise. Les uns la regardaient comme une singularité dont le principal motif était de se faire remarquer ; les autres prétendaient que c’était une idée noble, ingénieuse, un véritable héroïsme maternel. Enfin les gens plus sages, ou plus incrédules, disaient qu’il fallait attendre le résultat d’une semblable abnégation de soi-même, pour juger de l’influence qu’elle aurait sur les deux enfants.

Ceux-ci laissèrent quinze jours s’écouler, sans qu’ils parussent se ralentir de leurs jeux accoutumés. Ce qui surtout les maintenait dans leurs chères habitudes, c’était