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LA LEÇON MATERNELLE.

j’ai négligé jusqu’à ce jour de remplir les obligations d’une mère. Laissez-moi donc, je vous en supplie, réparer ma faute. Il en est temps : mon fils aîné devrait être en état d’entrer dans un lycée ; et le cadet, entraîné par l’exemple et l’insubordination de son frère, ne connaît pas même ses lettres. Mais j’espère beaucoup de sa sensibilité naturelle et du tendre attachement qu’il me porte. Comblez-les de hochets, de friandises, chaque fois qu’ils vous rendent leurs devoirs ; gâtez-les tout à votre aise, j’y consens ; mais daignez me promettre de ne vous mêler en rien de l’épreuve que je vais tenter, de les laisser se livrer à toutes réflexions que ma conduite leur fera naître, de ne pas les autoriser à me résister… et je serais bien trompée si, d’ici à quelques mois, je ne leur faisais pas réparer le temps perdu, si je ne les rendais pas, en un mot, tout à fait dignes de votre tendresse. Vous les idolâtrez pour l’expression de leurs figures, pour la vivacité de leurs reparties ; mais votre amour pour eux doublerait, ma chère belle-mère, si vous les voyez soumis sans contrainte, instruits sans prétention, caressants sans calcul et pourvus, par des lectures utiles, de ce qui forme à la fois et l’esprit et le cœur, fait aimer, rechercher dans le monde, et nous y entoure d’une considération que seules peuvent nous procurer une instruction véritable, une éducation suivie. »

L’aïeule ne put s’empêcher de reconnaître la vérité d’un pareil langage, et déclara qu’elle ne se mêlerait en rien de l’entreprise formée par sa bru. « Mais je suis sûre, ajouta-t-elle, que vous-même, ma chère, vous ne pourrez résister à renoncer pendant plusieurs mois aux attrait des cercles brillants dont vous faites l’ornement. Je ne vous donne pas quinze jours, sans que vous fassiez l’aveu qu’un pareil dévouement est au-dessus de vos forces, et qu’à votre âge, répandue comme vous l’êtes dans le grand momie, il n’est