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LA LEÇON MATERNELLE.

n’ai de fierté. — Je ne l’aime pas moins que toi ; mais il faut savoir être homme. »

Telle fut la conversation des deux frères, en descendant au salon, où ils se livrèrent à leurs jeux accoutumés, jusqu’à ce que parut leur vénérable aïeule, qui leur prodigua les plus tendres caresses. « Eh bien ! mon Frédéric, avons-nous bien joué ce matin sous les beaux arbres du jardin des Tuileries ?… Et toi, mon Arthur, avons-nous bien disputé le prix du ballon, du cerceau ? J’avais recommandé à mon vieux valet de chambre de vous acheter des gâteaux, du sucre d’orge, et de vous faire boire à chacun une bonne limonade… Ces chers enfants ! qui n’en raffolerait pas ; ils sont si gentils ! si charmants ! si dociles. Ce sont de vrais petits anges. » Et là-dessus la grand’maman les couvrait de mille baisers, en répétant avec un enthousiasme maternel : « Oui, oui, ce sont de vrais petits anges ! »

Un laquais annonce que le déjeuner est servi. L’aïeule, qui déjà s’est emparée de l’épaule de Frédéric et tient Arthur par la main, gagne avec eux la salle à manger où elle s’étonne de ne pas trouver leur mère. Les deux enfants alors lui font part de la détermination qu’elle avait prise ; et la bonne vieille, riant aux éclats, s’écrie : « Le tour est ingénieux, il faut en convenir ; mais je la connais, et ne lui donne pas deux jours sans la voir redescendre parmi nous. Demain justement il y a grande soirée chez le commandant de la place de Paris, intime ami de mon fils ; et bien certainement elle ne manquera pas d’y assister. — C’est ce que je disais à mon frère, ajoute Frédéric : tenons ferme, et nous la forcerons de céder. — Pour moi, réplique Arthur, je ne serais pas surpris que maman persistât à garder les arrêts. — Si l’on apprend cela dans le monde, reprend l’aïeule, on en rira beaucoup… mais je me charge de la faire revenir de cette folle idée, et d’attendre que le temps