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l’hospitalité.

famille Chardel, dont les deux demoiselles, étalant, à l’instar de leur mère, une toilette très-recherchée, dédaignaient de se mêler à la danse avec les jeunes villageoises qui en faisaient le charme et l’ornement. Il aperçut aussi, dans un petit coin sombre, la modeste madame Chopin, assise, avec ses deux filles, sur un tertre de gazon, et n’osant pas leur permettre de se livrer à la danse. Georgette et Lise étaient simplement vêtues, mais avec une extrême propreté ; et sous leur bonnet rond on remarquait les figures les plus expressives. Le maître du château feignit de ne pas les connaître ; mais, les recommandant particulièrement à plusieurs jeunes gens de sa société, il eut la jouissance de les voir participer aux plaisirs de la fête, ce qui causait à leur mère une joie inexprimable, et surtout une surprise étrange de ce que plusieurs messieurs daignaient être les cavaliers de ses filles, dont l’âge, la mise et la condition ne pouvaient attirer sur elles un regard favorable.

Enfin, le banquet est annoncé dans l’orangerie, où une table en fer à cheval contenait environ deux cents couverts. Chacun s’empresse d’aller y prendre place ; mais la timide madame Chopin n’osait pas s’y présenter avec ses enfants, lorsque les mêmes cavaliers qui les avaient fait danser viennent leur donner la main, ainsi qu’à leur mère, et les conduisent toutes les trois au haut de la table, auprès de monsieur Germont. Elles en rougissaient de confusion, et ne pouvaient concevoir ce qui leur attirait un pareil honneur. À la droite du vénérable Germont s’était placée la brillante madame Chardel, escortée de ses deux demoiselles, étalant la plus riche parure, et se gourmant comme la reine de la fête. Jamais banquet ne fut plus joyeux et mieux ordonné. Le plaisir, causé par ce mélange de tous les rangs, brillait sur la figure de chaque convive. Un toast général fut porté au maître du château ; il y répondit avec cette