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auguste.

— De toi, monsieur Auguste, reprit Delriau, qui n’osait pas encore tutoyer son frère de lait.

— J’appris moins vite à lire qu’à faire les cannes et les mouton ; mais enfin j’appris.

— Et tu sais lire à présent ?

— Oui ben, dit Delriau. — Oui ben, répéta Auguste. Est-ce qu’on parle comme cela chez toi.

— Qu’est-ce que j’ai donc dit ? reprit Delriau. Ah dame, cheux nous ce n’est pas comme ici.

Cheux nous ! répéta encore Auguste. Ah bien, par exemple, je veux t’apprendre à parler : dis, le veux-tu ?

— Oui, répondit Delriau, j’en serai ben content ; je ne demande pas mieux que d’apprendre.

— Laisse faire, je t’enseignerai tout ce que je sais.

Ce fut après cinq ou six conversations, toutes à peu près semblables à celle-ci, qu’Auguste changea de rôle ; il renonça à la sculpture et se mit à apprendre la grammaire à son nouvel ami.

M. Dorigny les surprit un jour dans cette grave occupation. Auguste était assis ; il tenait une grammaire sur ses genoux. Delriau, debout devant lui, répétait un verbe. À la vue de son père, Auguste se mit à rire, et Delriau s’arrêta tout court.

— Bravo, mes chers enfants ! que je ne vous dérange pas : Eh bien ! es-tu content de ton élève ?

— Oh, oui, papa cela finira par aller bien ; il conjugue déjà tout le verbe avoir.

— Il parait qu’il est meilleur élève que toi

— Ou qu’il est meilleur maître que moi, » interrompit timidement Delriau, avec un instinct de délicatesse qui ne s’apprend pas et qui vient du cœur.

Auguste lui serrais main. « Tu es trop bon de vouloir m’épargner la honte de convenir devant mon père que je