da.mi:l lesueub 67 L'ŒUVRE DES DIEUX Je vous vénère, ô dieux! vagues spectres sublimes, Que l'homme a tour à tour bénis et blasphémés. Mes chants s'élèveront vers vos lointaines cimes Pour tous les malheureux que vous avez charmés. Vos bienfaisantes mains aux damnés de la vie, A ceux qu'abandonnaient la Fortune et l'Amour, Ont versé largement tous les biens qu'on envie, Éternisant pour eux nos vains bonheurs d'un jour. Ils ont vécu, le cœur bercé par leur chimère, Traversant nos douleurs avec un front joyeux, Et même ils ont souri lorsque la Mort amère De son geste muet leur a fermé les yeux. Ce qu'ils ont entrevu dans leur obscure voie N'est pas le joug pesant d'un stérile labeur, La terreur de la faim, la jeunesse sans joie, Le trépas solitaire et sa morne stupeur. Non : c'est un sûr chemin, plein d'épreuves mystiques, Qui prend l'homme au berceau pour le conduire aux cieux Qu'on parcourt, enivré d'encens et de cantiques, Versant du repentir les pleurs délicieux. Saints transports effaçant toute douleur charnelle, Inépuisable amour issu d'un cœur divin, Impérissable espoir d'une extase éternelle, Qui vous a possédés n'a pas souffert en vain. Pour l'assouvissement des appétits sans trêve, Malgré ses moissons d'or, le monde est trop étroit; Mais aux déshérités s'ouvre le champ du rêve... L'homme est un créateur qui fonde ce qu'il croit. Et puisque la Nature aux lois mystérieuses, Nous donnant la douleur, nous livra l'infini, Pourquoi briserions-nous les ailes radieuses Qui nous portent plus haut que notre ciel terni? Pour moi, je te salue, Illusion féconde, Qui seule à nos efforts viens prêter ta grandeur!
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