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Ce fut d’abord, au loin, la blanche Sibérie :
Sous le knout travaillaient, saignants, des malheureux.

Leurs doigts meurtris avaient déterré quelque chose,
Et c’était le saphir dans ses cheveux riant...
Puis tout changea : la mer, sous un ciel clair et rose,
Roulait ses flots tout pleins du soleil d’Orient.

Un homme se pencha sur les eaux purpurines :
La mer tremblait, profonde ; il y plongea d’un bond.
Quand on le retira, le sang de ses narines
Jaillissait ; dans l’air pur il râlait moribond :

Alors elle aperçut, en ses deux mains pendantes,
Les perles du collier qui sur son cou flottaient…
Puis tout se confondit, les flots aux voix grondantes.
Et les râles humains qui vers le ciel montaient.

Elle n’entendit plus qu’un seul et grand murmure,
Le cri d’un peuple entier, pauvre et manquant de pain,
Qui, pour rassasier des désirs sans mesure,
Dans un labeur aveugle usait sa vie en vain.

« Si du moins nous pouvions ensemencer la terre,
Produire en travaillant, voir nos sueurs germer !
Mais notre effort stérile agrandit la misère,
Car, au lieu de nourrir, il ne peut qu’affamer.

« Maudit soit ce travail qui, semblable à la flamme,
Dévore notre vie et la disperse au vent ;
Maudit ce luxe vain, ces caprices de femme
Toujours prêts à payer sa vie à qui la vend ! »

Cette clameur sortait de poitrines sans nombre.
Elle s’éveilla, pâle, et de ses doigts lassés
Dégrafant son collier, le regarda dans L’ombre
Et crut y voir briller des pleurs cristallisés.

(Vers d’un Philosophe.)


L’ANALYSE SPECTRALE


Quand il a fui la terre en un essor suprême.
Notre œil retrouve encor d’autres terres là-haut.