LOUIS SUREAU 513
AURORE
A Eugène Guérin.
Dans la nuit d’améthyste où la saison féconde
Enivre les jardins de l’odeur des tilleuls,
Les brouillards parfumés montent des eaux profondes
Et tissent à la terre un transparent linceul.
Mais déjà l’aube en pleurs s’éveille à l’horizon
Dans l’éclair frissonnant des mousselines roses,
Et sa pudeur qui saigne aux pentes des gazons
Empourpre le calice éblouissant des roses.
Au faîte du matin dressé comme une tour
La lumière a sonné les fanfares du jour ;
Et, cabrant son orgueil, sur le ciel où flamboie
L’insultante clarté des fauves thermidors,
Comme en l’azur vainqueur d’un étendard de soie,
La Chimère de feu crispe ses ongles d’or.
(Estampes.)
CHEVAUX DE BOIS
A Alfred Machard.
La cavalcade giratoire
Aux galops joyeux de mépris
Fuit le morose territoire
De glaces où l’Ennui nous prit ;
Et son vertige s’auréole
Du luxe feint des oripeaux
Exaltant sur la gaudriole
Des insolences de drapeaux.
Mais, aux clairs diamants trompeurs
Dont se pare notre allégresse,
Froide, médite la stupeur
Des mélancoliques détresses.
Car l’or trop sonore des Fêtes,
Fulgurant d’excessives joies,