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S’élance en bondissant, bouillonne derrière eux,
Les atteint, — et ce sont de grands rires heureux
Quand la bande, un instant par l’eau folle cernée,
La voit fuir en laissant une blanche traînée.

Tandis que ces enfants, avec leurs cris d’oiseaux,
Leurs gambades, faisaient un jouet de ses flots,
Le grand Océan gris, envahissant ses plages,
Montait. D’en haut sur lui s’abaissaient les nuages,
Et son infinité se perdait dans la nuit.
Mais de sa profondeur ignorée, à grand bruit,
Les flots sortaient toujours, émergeant de la brume ;
Ils s’enflaient, puis soudain s’écroulaient en écume,
Couvrant de leurs débris la crête des îlots.
Sans cesse ils arrivaient, plus pressés et plus hauts,
Attirés par la force invisible, éternelle,
Qui du fond des cieux clairs ou sombres les appelle
Et les fait se lever ainsi qu’au firmament
Se lève vers le soir chaque soleil dormant.
Pendant ce temps, au bord, les enfants sur le sable
Jouaient, insoucieux du gouffre inépuisable,
Et, jetant un frais rire à son immensité,
Ne voyaient que le bout de son flot argenté.

Moi, je les regardais : — Frêles êtres que l’onde
Poursuit, et sur qui vient tout l’Océan qui gronde,
Enfants au court regard, que vous nous ressemblez !
Comme vous, la Nature aux horizons voilés
Dans les plis tournoyants de ses flots nous enlace.
Pendant ce temps notre œil s’amuse à sa surface :
Nous comptons ses couleurs changeantes aux regards ;
Nous jouons à ces jeux que nous nommons nos arts,
Nos sciences, — croyant la Nature soumise,
Lorsqu’en nos doigts demeure un peu d’écume prise
À l’abîme éternel qui gronde dans la nuit !
Toute la profondeur de l’univers nous fuit,
Et sans rien pénétrer nos yeux tremblanta effleurent.
Tout glisse à nos regards, comme ces flots qui meurent
Et rentrent tour à tour dans le gouffre mouvant.
La pensée, en ce monde, est un hochet d’enfant ;
Dans l’aveugle univers elle ; nait par surprise,
Brille, et surnage un peu sur le flot qui se brise.