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Me fait songer, d'après sa sereine ordonnance,
Que la vie a besoin d'amour et de silence
Pour lui donner un prix qui la retienne en nous.

Ô lignes d'harmonie ! ô versant grave et doux !
Forme précise et souple aux chutes des collines,
Vous me persuadez qu'enfin se détermine
En moi le goût de l'ordre et de la volupté !
Déjà ce paysage ardent d'extrême été
M'emplit d'une amertume et d'une rêverie
Dont mon âme jamais ne s'était attendrie.

— Laisse fumer au ciel le toit le plus obscur :
Lorsque les moissonneurs entrent dans les blés mûrs,
Avec la faux aiguë à la courbe sereine,
Leur geste contribue à la beauté des plaines :
Mais lorsque, la moisson terminée, on revient,
D'autres s'en vont glaner aux éteules, leur bien,
Car il reste toujours assez d'épis dans l'herbe
Pour pouvoir, à son tour, lier une autre gerbe
Moins lourde, sans douter, mais d'aussi pur froment.

Ce soir, ô mon ami, je rentre lentement.
Tes vers harmonieux chantent dans ma mémoire.
Je songe au matin clair où va monter ta gloire
Comme un soleil de juin monte sur la moisson :
Voici le seuil étroit de mon humble maison
Où m'attendent la lampe et le livre : Je pense
Que ma vie est paisible au fond de son silence.
Les blés sont mûrs ; je pense à l'ordre des saisons
Dont la marche prévue engendre à l'horizon,
Ce soir, un paysage où stagnent des fumées.

Ô mon ami, je compare nos destinées :

Je pense aux soirs brûlés d'azur où tu reviens,
Fiévreux et triste, après le labeur quotidien,
Par les grands boulevards encombrés de la ville ;
Une fraîcheur tombe des arbres immobiles.
Des femmes passent : tu les suis parfois des yeux,
Car elles ont pour toi l'attrait mystérieux
De la beauté de l'heure et de la lassitude.
Puis c'est le foyer calme et sa longue habitude :