et dont les sensations sont aiguës jusqu’à la souffrance, un poète exaspéré par la torture de la chair, et en même temps un ardent idéaliste qui aspire constamment à s’élever au-dessus du contingent pour atteindre l’absolu. C’est ainsi qu’en s’élançant dans le rêve, il y retrouve son tourment, toutes ses souffrances, toute la brûlure de sa douleur :
Quelle douleur en moi ! J’en suis las. J’agonise.
Les champs en vain se parent d’or comme une église ;
L’aurore peut danser en s’élançant des flots,
Avec un bruit folâtre et joyeux de grelots ;
Tous les ramiers du jour ont beau battre des ailes
Semblant jeter au monde une bonne nouvelle,
Moi, je me meurs d’un mal qui vient je ne sais d’où…
Je suis le blanc crucifié d’un réve fou !
Comme Émile Verhaeren, M. Nicolas Beauduin a été appelé un « poète du paroxysme[1] », et, depuis, il a revendiqué pour lui et les siens cette appellation. Gardons-nous, cependant, d’attribuer un sens trop exclusif à ce terme, sur la valeur duquel l’accord ne s’est pas fait encore, et n’essayons pas d’enfermer un poète dans une formule. Voici, au surplus, comment M. Nicolas Beauduin essaya de caractériser, non sans quelque inévitable erreur peut-être, son art et ses tendances, au cours d’une récente enquête sur « les tendances présentes de la littérature française[2] » : « Pour nous, le poète est de tous les temps, il s’apparente à ce qui a existé, existe ou existera. C’est là une de ses plus hautes facultés. Il n’est pas l’homme d’un système, d’une formule ou d’un procédé. Le poète n’est pas un ; il est divers, multiple, infini, protéen, changeant comme la vie, en perpétuel mouvement comme l’onde et la flamme. Il ne se contente pas du réel palpable, il lui faut le réel invisible. Le monde ne se limite pas pour lui aux choses contingentes ; il pense par delà les pensées, et s’en remet plus volontiers à son sens intime qu’à toutes les déclarations de la philosophie officielle. La vie n’est pas seulement ce qui est en nous, ce que nous palpons et voyons, mais elle est aussi dans ce que nous ne pouvons toucher, ne voyons pas et dans ce qui ne tombe pas sous les sens. Un vaste animisme se meut, dont la réalité nous échappe ordinairement, mais que le délire lucide nous révèle, aux heures où la vieille âme sibylline du monde se manifeste en nous et nous porte à cet état de visionnarisme ardent qui seul