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réagi contre le vers trop plastique en faveur du vers musical, de même, dans les mélodies qu’il avait composées sur des poésies de Sully Prudhomme, de Musset, de Hugo, il avait pressenti la liberté et la fluidité des formes nouvelles. C’était une musique toute psychologique et poétique, au dessin indécis et changeant. En toutes choses, Guyau se montra initiateur, délivré des préjugés du passé, très curieux du présent, ayant le meilleur de son âme tourné vers l’avenir.

« Alfred Fouillée. »


Il peut paraître superflu d’analyser ici l’œuvre philosophique de Jean-Marie Guyau. Détachons, cependant, de l’Introduction à La Morale, L’Art et la Religion d’après Guyau les lignes suivantes :

« L’école de l’évolution, qui aperçoit partout changement et métamorphoses, est naturellement portée à calculer la marche de l’humanité future d’après la ligne que celle-ci a décrite dans le passé et d’après le mouvement qui l’entraîne dans le présent. En Angleterre, Spencer et ses nouveaux disciples, — Stephen Leslie, Clifford, Barratt, Miss Simcox, — n’ont pas craint de se faire, au nom de la science, comme les prophètes de la société à venir. En Allemagne, parmi beaucoup d’autres, Wundt a écrit récemment une Éthique où les considérations sur le passé des sociétés et sur les lois de l’évolution conduisent naturellement à des inductions sur l’avenir. En France, la doctrine de l’évolution n’a guère trouvé, dans ces dernières années, qu’un interprète vraiment original et libre pour entreprendre de construire une morale sur des bases en partie nouvelles et de deviner les transformations de ces deux grandes idées directrices : obligation, sanction. Psychologue et surtout moraliste, métaphysicien à ses heures, artiste toujours et poète, Guyau a essayé de compléter lui-même la morale évolutionniste des Darwin et des Spencer, dont il avait montré jadis les lacunes et les limites avec une rare pénétration. Grâce à lui, — et c’est la moindre justice à lui rendra, — la philosophie française n’aura pas été sans contribuer pour sa part à l’amendement d’une doctrine dont on ne saurait méconnaître ni l’influence actuelle ni l’importance future. La série de ses travaux sur la morale, l’art et la religion, trop tôt interrompus par la mort, est à peu près la seule où nous puissions saisir, comme en raccourci, l’effort de notre génération pour reconstruire sur un plan nouveau ce que la critique s’était hàlée d’ébranler… »

Il convient de nous arrêter un peu plus longuement aux idées sur le rôle social de l’art développées par Guyau dans : L’Art au point de vue sociologique. Pour Guyau, la métaphysique n’est