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À AENOBARBUS

FRAGMENT

À Néron Claude César, salut. — Un barbare
A fait une chanson pour toi : daigne l'entendre.
Tu fus jadis toi-même un joueur de cithare
Applaudi pour ses chants héroïques et tendres.

Ma voix te semblera peut-être un peu lointaine ;
Je suis le fils d'un siècle pauvre et fatigué ;
L'âge d'amour est mort avec l'âge de haine.
Ô Maître, accepte-moi tel que je suis, ni gai,

Ni triste, artiste, — un peu, — mais courtisan qui flatte
Avec des gestes d'outre-Rhin. Accepte-moi
Tel que je suis, puisque tu n'as plus Ménécrate,
Ô pauvre roi des rois des pays d'autrefois !
 
Dois-je te faire rire ou te faire pleurer ?
Le rire est vain qui s'éteint dans les larmes vaines.
Pour commencer, comme aux vieux temps, je frapperai
Par trois fois l'or flétri de la lyre romaine.

« Joyeuse ou triste, l'âme meurt toujours trahie. »
— Reconnais-tu le rire et le sanglot des cordes,
César adolescent qui fuyais les discordes
Et qui faisais rêver les filles d'Achaïe ?

Ou, Jupiter d'or fauve, au seuil du Capitole
Entends-tu, vers ton socle incendié de fleurs,
Monter, comme vers le soleil la voix des folles,
Les hymnes des mignons et des gladiateurs ?
 
Entends-tu, chair prostrée en des torpeurs farouches,
Tandis que s'alanguit l'extase du chanteur,
Le battement du cœur d'Amour frapper ta bouche
Et les parfums tomber, avec des sons de pleurs  ?
 
Entends-tu l'évohé rauque des populaces
Qui monte avec l'odeur des sueurs et du sang ?
Lève-toi pour la vie et les songes qui passent.
Roi de Néropolis, que fais-tu là, dormant ?