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Ou bien dans le regret des heures dépensées,
Et l’amour déchirant de tout ce qui n’est plus.

Cette heure qui s’enfuit était belle peut-être
De ce charme secret dont nous parons demain ;
Cet air est pur et chaud, que le soleil pénètre.
Il faut oublier tout, sauf la soif et la faim.

Ainsi que l’aphrophore et que la libellule
Il faut jouir du jour brûlant et de l’été ;
Il faut, comme les pins oii le doux vent module,
Abandonner sa vie à la sérénité.

Et dans le bois bleuâtre où la pénombre accueille,
En contemplant les bonds d’un écureuil peureux,
Etre pareil à l’herbe, à la fleur, à la feuille,
Tâcher d’ignorer tout, même qu’on est heureux.

Ah ! sans regret, sans leurre, ou désir inutile,
Sans orgueil, sans effroi, sans trouble et sans tourment,
Puisses-tu voir ainsi qu’une eau calme et tranquille
Couler le flot des jours, ô cœur indifférent !

LE REGRET

Quand je refermerai mes grands yeux dans la mort,
Vous pleurerai-je, hélas ! amèrement, ô vie !
Et vous, âge du rire et de la fantaisie !
Et vous, ô bel amour, doux, joyeux, sombre ou fort !

Et vous, naïf orgueil de mon jeune visage,
Et vous, souple fraîcheur de mes bras ronds et nus,
Et vous, lointains pays, charmes ressouvenus
Du départ, du retour, et du changeant voyage !

Certes, de tout cela le multiple regret
Tournoiera tout au fond de ma mémoire lasse,
Long cortège masqué qui passe et qui s’efface,
Mirage, oubli, bonheur, tristesse, ombre, reflet…

Mais non, ce n’est pas vous, grâce de ma jeunesse,
Ni vous, ô liberté, rêve de mon cœur fier,
Que je verrai s’enfuir dans un sanglot amer,
Mais vous, mais vous ! ô chère et divine tendresse !