Rit et pleure sans fin comme je pleure et ris…
Esschen, là-bas, n’est plus qu’un vestige fragile…
Les bois blonds automnaux, les haies d’or et de cuivre
Squamment l’immensité des bruyères désertes.
Un sapin rectiligne étend son ombre verte
Contre un chaume esseulé où il ferait bon vivre…
Après Bréda, Dordrecht luit dans les feuilles d’ombre
De ses parcs aux allées de songe où des eaux pleurent,
Et sur les toits rosés, bleus et bruns des demeures
Ruissellent les sons clairs tombés du beffroi sombre…
Et Rotterdam surgit : vieilles maisons étranges
Plongeant dans l’eau qui dort leur image à l’envers,
Hauts navires hanchus, aux proues décorées d’anges,
Et sur les quais jonchés des voix claquant dans l’air ;
Mannes, balles, paniers, tonneaux, bâches, voitures,
Tas de charbon, sacs de fruits secs, caisses d’oranges,
Figues, bois odorants qu’on aligne et dérange
Dans la chanson du vent qui cingle les mâtures.
Des fromages en vrac font des montagnes rouges ;
Des mousses, aux toquets de drap enrubannés,
Baguenaudent, sans cris, dans les chemins damnés
Où clignotent toujours les lumignons des bouges ;
Plus loin, dans les bassins stagnants.de grands vieillards
Fument sur leurs petits bateaux aux voiles brunes,
Et, paraissant du ciel ambré, déjà la lune
Patine d’or les gestes des labeurs épars…
Voici Gouda : roseaux jaunes en étendues,
Pacages pointillés de corbeaux gris en bandes,
Et voici Breukelen où des abois se scandent
Près des meules de blé dans l’espace étendues…
Les canaux verts carrellent les champs qui sommeillent,
Un paysan s’attarde à pêcher de la tourbe,
La voile d’un bateau d’engrais glisse et se courbe
Sur le ciel pavoisé de guenilles vermeilles…
La nuit se clôt. La paix devient religieuse…
Alors un grondement naît, grandit, monte et tonne…
Je t’aperçois enfin, fumeuse en cet automne,
Amsterdam ! ô cité sonore et glorieuse !…
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