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Derrière le train noir dont saigne le falot
S’efface… Et de la nacre, au loin, monte d’un fleuve…

Parmi les choux d’émail vissés au sol de fer
Des paysans, les bras gainés de laine rouge,
Mettent des croix de pourpre. Ailleurs des rumeurs bougent.
C’est Anvers, ses mats roux, ses quais bleus, — c’est la mer !

Une gravité douce est inscrite aux visages ;
Le travail et l’amour partout se manifestent :
Vie intense et placide en qui fleurit et reste
L’âme des géants morts qui stupéfient les âges.

Et c’est la plaine encor, lumineuse et sereine :
Toits de tuiles, moulins au grand geste attirant,
Ruisseaux fougueux, jardins sarclés, saules en rang,
Chemins où des enfants clament leur vigueur saine, —

Et la frontière enfin : Esschen et Rosendaal.
Sous le ciel accueillant où des lueurs se figent,
C’est la Hollande qui s’affirme et qui s’érige,
C’est le Nord glorieux, superbe et triomphal !

C’est le Nord orgueilleux de son passé splendide
C’est le Nord indomptable, héroïque et païen,
Le Nord qui rêve et crée, — c’est le Nord plébéien
Qui dit aux flots : « Arrière ! » et des glèbes humides

Fait un océan vert devant l’océan perle,
Le Nord aux reins d’acier, le Nord au front énorme,
Le Nord aux soirs de sang où des luxures dorment,
Le Nord aux pins dressés dans le vent qui déferle !…

Les arbres ne fuient pas, ici, devant les vagues !…
Mes yeux boivent les cieux, mon âme écoute et chante,
Mon geste extasié grave ma joie démente
Sur les fragments d’azur qui flottent… Je divague…

J’ai dû vivre, jadis, une existence fauve
Dans ces plaines, aux temps où l’animal humain
De longs silex taillés armait ses larges mains
Et s’étendait, le soir, face à l’horizon mauve…

Au retour d’un exil, en revoyant sa ville,
Son clocher, sa maison, sa chambre, un vieux proscrit