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Oh ! le temps des légendes en or !… Le bon temps
où, devant l’âtre rose et flambant des veillées
dont la plainte berçait nos songeries d’avril,
des vieilles, à la voix toussotante et cassée,
contaient l’enchantement d’autrefois !… Doux exils
vers la forêt du songe où soupirent des violes
et des trilles d’oiseaux dans les brises en fleurs !…
Pauvres petites fées d’amour qui s’étiolent
pour des trouvères blonds qui ont passé !… Terreurs
et cris d’effroi rôdant par les nuits de silence
autour des vieux manoirs hantés de spectres blancs !…
Chevauchées vertigineuses et défaillances
de vierges qu’on ravit…
O merveilleux Antan tout fleuri d’innocence bleue !
Frêles antiennes où frissonnent des mots d’adieux !
Doux lieds frôleurs et blanches quenouillées de légendes anciennes !…
Dans la salle bien chaude enclose de bonheur,
sous la bonne clarté des lampes qui pàtine
de vermeil la ferveur des objets recueillis,
oh ! l’émerveillement des âmes enfantines !…
C’est la blonde Laden1, svelte comme un grand lys,
qui s’est éprise, un soir de mai, d’un petit pâtre
dont la flûte naïve émeut les genêts d’or.
C’est, fantastique et noir, dans un minuit bleuâtre,
l’énorme écroulement de la Tour que l’effort
superbe de Satan dressait vers les étoiles !
C’est la plainte éperdue des Dames que veillait
l’âme des grands rochers épars comme des voiles
de silence et d’oubli ; c’est leur pauvre secret
confié à la Meuse dolente qui s’endeuille
aux ramures du bord.
C’est, sur l’étang profond où tournoie, sanglante et dorée, la mort des feuilles,

i. L’auteur fait ici allusion aux plus célèbres légoudes de l’Arflcnne : la Vierge du château, lo Château du Diable, les Dames de Meuse, le Marais du violon, les Quatre fils Aymon.