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les brebis donneuses de laine et de lait.
Et tout à coup, son chien, il le sifflait.

Et alors, l’être fidèle entre tous,
le chien, aux yeux fixes et pleins d’amour,
celui qui aime l’homme sans détour,
celui qui se nourrirait de cailloux
lorsqu’il a pour maître un mendiant des routes,
le chien, mordait les brebis en déroute.
On le voyait. Il dressait les oreilles.
Puis, immobile et les yeux pleins de braise,
prêt à bondir sur les retardataires,
il surveillait le troupeau de côté.
Et le troupeau passait, passait, passait.
Et sa rumeur divine se perdait.

Et c’est ainsi qu’un jour, vers la Toussaint,
Jean de Noarrieu, assis dans le jardin,
entendit s’ouvrir le portail qui grince,
Et le moutonnement des bruits d’airain.
Et les cris de la Lucie. Et les chiens
dans le ciel gris, avec, debout, Martin.

Et Jean pleura. Et les brebis boiteuses
penchaient la tête, sous le souffle de Dieu,
dans l’acre automne aux rivières brumeuses.
Et Médor flairait Bergère, la queue
au ventre. Et elle grommelait, hargneuse.
Et l’âne étalait ses oreilles creuses.

C’était si beau que, au seuil de la grange,
Jean de Noarrieu s’arrête un instant,
la gorge serrée, et le cœur battant
comme les cloches du troupeau traînassant.
Et la Lucie, joyeuse et rougissante,
Criait : « Martin est là ! ouvrez la grange ! »

L’ombre s’ouvrit. Une à une les bêtes
se pressaient, galopantes, vers les crèches.
Sous leurs cils blancs luisaient leurs yeux dorés.
Et des agneaux nés en route suivaient.
L’un, trop jeune encore pour pouvoir marcher,
Comme une loque, au flanc de l’âne, pendait.