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Sur ta tombe, pareil à quelque pôtre antique
dont pleure le troupeau sur la pauvre colline,
je chercherais en vain ce que je peux porter.
Le sel serait mangé par l’agneau des ravines,
et le vin serait bu par ceux qui t’ont pillé.

Je songe à toi. Le jour baisse comme en ce jour
où je te vis dans mon vieux salon de campagne.
Je songe à toi. Je songe aux montagnes natales.
Je songe à ce Versaille où tu me promenas,
où nous disions des vers, tristes et pas à pas.
Je songe à ton ami et je songe à ta mère.
Je songe à ces moutons qui, au bord du lac bleu,
en attendant la mort bêlaient sur leurs clarines.
Je songe à toi. Je songe au vide pur des cieux.
Je songe à l’eau sans fin, à la clarté des feux.
Je songe à la rosée qui brille sur les vignes.
Je songe è toi. Je songe à moi. Je songe à Dieu.

[Le Deuil des Primevères.)

JEAN DE NOARRIEU

Et maintenant les troupeaux revenaient,
fuyant l’ombre mystérieuse des neiges.
On entendait la plaine et la vallée
s’emplir du bourdonnement désolé
des clarines sombres qu’accompagnaient
les piétinements précipités.

Et les enfants qui allaient à l’école,
dans l’aigre vent de la tombée d’automne
voyaient venir sur la route monotone
l’âne au collier de bois et le chien jaune,
les parapluies et les bidons qui sonnent,
et le berger pensif et les moutons.

Sous le troupeau ennuagé du ciel,
il conduisait le troupeau de la terre.
D’un geste large et rond il étendait
son long bâton, comme s’il bénissait