Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/539

Cette page n’a pas encore été corrigée

Pour porter du grain à ses bêtes,
Son beau chapeau des jours de fête,
Son manteau gris pour quand il pleut,

Puis sa bonne Vierge Marie,
— Une rose sur chaque pied, —
Son dé, ses ciseaux, son papier,
Sa laine et sa tapisserie.

Avant sa soupe, au soir tombant,
Les jeux finis, les fleurs coupées,
Elle cousait pour ses poupées,
Assise sur son petit banc,

Ou bien épelait sans tapage,
Tout haut, pour ne point bredouiller,
Et le rond de son doigt mouillé
Marquait l’angle de chaque page.

Je la trouvais, au jour levant,
Telle qu’au soir je l’avais mise,
Roulée en sa longue chemise
Comme un petit paquet vivant.

O ma Jeannette, ma Jeannette,
Qui, s’éveillnnt, disais : « Coucou ! »
Et, grimpant bien vite ù mon cou,
Faisais chavirer mes lunettes !

Nous nous en allions promener,
Sa menotte en ma main blottie,
Mais, maintenant qu’elle est partie,
Je vais mourir, vous comprenez.

Jamais, bien sûr, le temps n’eflacc
Un chagrin comme celui-là !
Puisque mon enfant s’en alla,—
Que voulez-vous donc, que je fasse ?

Dans le pré des coquelicots, —
Rousse, châtaine, brune ou blonde, —
Les fillettes dansaient la ronde,
Et je tricotais mon tricot.