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volume Poèmes [1898-1905]. Son idéal est fort différent de celui des romantiques ; il tend à une religion de l’humanité forte du culte des ancêtres, de la consécration du travail et des grands actes de la vie, de l’espoir en la science et en l’effort humain.

Comme auteur dramatique, M. Jean Canora a donné Poussier de Mottes, fait-divers en deux tableaux, qui a trouvé un accueil des plus favorables auprès de la critique.

PÈLERINAGE

FRAGMENT

… Alors je te livrais toute mon espérance,
L’Idéal de mon âme et celui de mes vers,
L’humanité sortant des siècles de souffrance
Comme un géant captif qui briserait ses fers,
Et, traînant après lui les débris de sa chaîne,
Pâle d’avoir connu l’horreur des noirs caveaux,
Gravirait un rocher au-dessus de la plaine
Pour voir, là-bas, blanchir l’aube des temps nouveaux.
L’humanité s’éveille, et Dieu tombe en poussière.
Un Dieu juste n’eût pas enfanté la douleur.
Il n’eût pas arraché les enfants à leur mère,
Versé les feux du ciel sur les cités en pleurs.
Il n’eût pas consenti, dans sa bonté sereine,
A voir des fous hagards hurlant par les chemins,
Des mortels, par miliers, jonchant les vastes plaiues,
Au glaive ensanglanté crispant encor leurs mains.
Si l’homme a su dompter la sauvage nature
Et soumettre la force, il ne l’a dû qu’à lui.
S’il doit connaître un jour l’existence moins dure,
C’est qu’il saura se vaincre, et vivre pour autrui.

Un grand souffle de paix a caressé les villes
Et rafraîchi le front des humbles travailleurs :
Et déjà, maudissant les carnages stériles,
Les peuples d’Occident rêvent un sort meilleur.

Pourquoi tuer, pourquoi le carnage et la proie,
Quand si chétive encore est l’œuvre de nos mains,