effort, et son regard de poète pénètre le mystère de la nature. On lui découvre d’heureuses affinités avec François Coppée et Saint-Georges de Bouhélicr, pourtant si différents l’un de l’autre.
HÉRODE
Hérode est resté seul parmi la salle immense.
La nuit féline boit le jour, et le silence
Luxurieux descend dans les plis des tentures.
Parfois, au loin, frissonne encore le murmure
Des rapides gingras et des flûtes lascives
Dont la douceur chantait vers la grâce des danses.
Dans l’air lourd de senteurs les flammes d’or vacillent ;
Et l’ombre, où s’épaissit pas à pas le silence,
Sur les tapis profonds lente et triste s’allonge.
Mais, le front dans les mains, seul, le tétrarque songe,
Les yeux mornes tournés vers son rêve intérieur :
« Salomé, tes yeux d’amour ont blessé mon cœur,
Et je suis un enfant à genoux près de toi.
En te voyant venir, j’ai palpité d’effroi
Devant l’énigme éternelle de tes yeux clairs,
Comme le voyageur lourd de ses lassitudes
Tremble devant la paix mortelle du désert.
O chimère dressée au seuil des solitudes,
Je veux vaincre l’ardeur de ta chair. Tes mains sûres
Ont soulevé le voile d’or de mes luxures ;
Elles flambent ainsi que le vin dans les coupes,
Et je veux m’enivrer de leur subtil poison.
Dans le ciel orageux, les rêves en déroute
Chevauchent vers la nuit saignant a l’horizon.
Salomé, sous le geste de tes mains candides
La mort pâle est venue s’asseoir à notre seuil,
Et le glaive fatal a suspendu l’orgueil
Des paroles sacrées aux lèvres prophétiques.
O Salomé, reviens dans la nuit qui commence,
Et, dans la volupté tragique de tes danses,
Laisse ton cœur ardent se pencher vers ma bouche.
Je saisirai ta chair entre mes bras farouches,
Et je respirerai l’odeur de tes cheveux.