Avril brise le sortilège :
Voici que je redeviens moi.
Ces douces et légères femmes
Et ces hommes vains, j’en suis las !
Donnez ce bouquet de lilas,
Que les fleurs me changent des âmes.
Assez de ce rire moqueur !
Ouvrez bien grande la fenêtre,
Que le vent sincère pénètre
Dans la maison et dans mon cœur !
Donnez ce beau lys, coupe frêle
Qui verse un parfum adouci.
Je veux voir de la boue aussi :
La boue au moins est naturelle !
Ah ! tous ces railleurs indigents
Dont l’esprit inquiet se ronge !
L’art naïf pour eux est mensonge :
Je ne suis pas fait pour ces gens !
Mais le printemps souffle ; un vieux hêtre
Frémit dans la jeune clarté ;
Je rentre dans ma vérité,
Je me sens à nouveau mon maître.
Je respire ! J’ai cru d’abord
Qu’à cette ardente et sombre flamme
J’avais brûlé toute mon âme,
Qu’en moi le rêveur était mort.
Mais je renais heure par heure,
Je renoue, ému, pas à pas,
Plus tendre encor d’être plus las,
Avec ma vie antérieure !
Oui, trois brins vernis de buis vert,
Une tiède averse irisée
Qui cingle d’argent la croisée,
Un bourgeon mauve à peine ouvert,
Le timbre d’un cartel sonore,
Qui fait bruire un lustre léger,
Un soir où l’on reste à songer,
Un réveil ébloui d’aurore,
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