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Jusqu’où l’on ne peut voir, un champ de brandes moi tes,
Morne mer dont les flots semblent du bronze roux,
Décroit dans l’étendue où ton galop m’emporte
Et semble en ondulant s’élargir devant nous…

… Puisque rien n’a guéri ma tristesse de vivre
Et d’être seul, malgré l’Amour, devant la Mort,
Et que je sens monter un orgueil qui m’enivre
Du désir d’être libre enfin et d’être fort, —

Puisque mon front n’a pu, dans cette nuit de fièvre,
Faire un poème ardent avec cette douleur
Qui déchire ma chair, rend amères mes lèvres
Et de sanglots muets a soulevé mon cœur,

Je veux me griser d’air et de vierge lumière,
Et, comme un nageur fou qui plonge en pleine mer,
Me jouer dans le vent, courbé sur ta crinière,
Perdu dans l’horizon du grand pays désert.

Encore ! Encore ! Encore ! Ahanne et va sans halte
Jusqu’au bout de la lande immense où naît le jour,
Afin que dans mon cœur un rêve pur s’exalte —
Et que j’oublie un peu la vie et mon amour !..,

CHANT AU BORD DU FLEUVE

Dans les bosquets profonds de cèdres et de roses,
Le soir bleui de juin descend avec lenteur.
La plaine est d’or. Là-bas une clarté repose
Sur le faîte des monts et des molles hauteurs.

Près du mur, endormie, ouvrant ses rives plates,
L’eau coule et le soleil a figé les flots durs
Etincelant dans les images écarlates
Qui montent du couchant sur le limpide azur.

Le chant du rossignol exalte le silence
Et ruisselle dans l’air du jardin recueilli,
Sanglot de notre chair qui jaillit et s’élance,
Pleurant le rêve amer qu’elle n’a pas cueilli.

L’heure de volupté s’écoule, insaisissable,
Comme l’eau qu’illumine un long rayon du soir,