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Chaque nile soulevée, en hautaines allures ;
Son plumage s’emplit de lueurs, les marbrures
De son col vert bronzé, l’ourlet d’or de ses pennes,
L’incarnat de son dos, les splendeurs incertaines
De sa queue où des grains serrés de vermillon
Sont alternés avec des traits noirs sur un fond
De riche, somptueuse et lucide améthyste,
Tout s’allume, tout luit d’un éclat qui dépiste
Les yeùx, tant il s’avive et meurt de toutes parts.
C’est un scintillement où d’infinis hasards
Rassemblent des rayons de saphir, de topaze,
En foyers imprévus où leur choc les embrase.
Et, sur ces yeux muants de claires pierreries
S’unissant, se brisant en des joailleries
Que sertissent le bronze, et l’acier, et l’argent,
Court encore un frisson d’or mobile et changeant,
Qui naît, s’étale, fuit, se rétrécit, tressaille,
Eclate, glisse, meurt, coule, ondule, s’écaille,
S’écarte en lacis d’or, en plaques d’or s’éploie,
Palpite, s’alanguit, se disperse, poudroie,
Et d’un insaisissable et féerique réseau
Enveloppe le corps enflammé de l’oiseau.

(Le Chemin des Saisons.)

L’HABITUDE

La tranquille habitude aux mains silencieuses
Panse, de jour en jour, nos plus grandes blessures ;
Elle met sur nos cœurs ses bandelettes sûres
Et leur verse sans fin ses huiles oublieuses ;

Les plus nobles chagrins, qui voudraient se défendre,
Désireux de durer pour l’amour qu’ils contiennent,
Sentent le besoin cher et dont ils s’entretiennent
Devenir, malgré eux, moins farouche et plus tendre ;

Et, chaque jour, les mains endormeuses et douces,
Les insensibles mains de la lente Habitude,
Resserrent un peu plus l’étrange quiétude
Où le mal assoupi se soumet et s’émousse ;