Quand j’pass’ triste et noir, gn’a d’quoi rire.
Faut voir rentrer les boutiquiers
Les yeux durs, la gueule en tir’lire,
Dans leurs comptoirs comm’ des banquiers.
J’les r’luque : et c’est irrésistible.
Y s’caval’nt, y z’ont peur de moi,
Peur que j’leur chopp’ leurs comestibles,
Peur pour leurs femm’s, pour je n’sais quoi.
Leur conscienc’ dit : « Tu t’soign’s les tripes,
Tu t’les bourr’s à t’en étouffer,
Ben, n’en v’là un qu’a pas bouffé ! »
Alors, dame ! euss y m’prenn’nt en grippe !
Gn’a pas ! mon spectr’ les embarrasse,
Ça leur z’y donn’ comm’ des remords :
Des fois, j’plaqu’ ma fiole à leurs glaces,
Et y d’viennent livid’s comm’ des morts !
Du coup, malgré leur chair de poule,
Y s’jett’nt su’ la porte en hurlant :
Faut voir comme y z’ameut’nt la foule
Pendant qu’Bibi y f… son camp !
« Avez-vous vu ce misérable,
Cet individu équivoque ?
Ce pouilleux, ce voleur en loques
Qui nous r’gardait croûter à table ?
« Ma parole ! on n’est pus chez soi,
On n’peut pus digérer tranquilles…
Nous payons l’impôt, gn’a des lois !
Qu’est-c’ qu’y font donc, les sergents d’ville ? »
J’suis loin, que j’les entends encor :
L’vent d’hiver m’apport’ leurs cris aigres.
Y piaill’nt, comme à Noël des porcs,
Comm’ des chiens gras su’ un chien maigre !
Pendant c’temps, moi, j’file en silence,
Car j’aim’ pas la publicité ;