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Tu me fais un manteau de tes rayonnements
Et tu tresses pour moi des couronnes d’étoiles ;
O nature ! je suis ton fils et ton amant’ ;
Roule-moi dans tes flots, berce-moi dans tes voiles…

(Le Poème de la Jeunesse.)

PARIS

Le soleil teint de sang le front des monuments
Et met une pensée dans le regard des femmes.
Il passe dans le soir un long frémissement
Des vieux balcons du Louvre aux tours de Notre-Dame.

Le vaste ciel est plein de la voix des vivants ;
Le chant d’un musicien frémit, traîne et s’achève ;
Les rues semblent mourir mystérieusement ;
Un homme est accoudé sur un pont : Paris rêve…

Sous les portes de pierre et les arcs de triomphe,
Il souffle de la joie et de la volupté ;
C’est l’heure où les noyés, dans les vases profondes,
Ouvrent comme des croix leurs bras désespérés.

Et chaque réverbère a des lueurs sanglantes
A travers les vapeurs du brouillard qui descend,
Et la ville ressemble à quelque spectre immense
Qui déploie un linceul plein de taches de sang.

C’est l’heure où le plaisir allume ses flambeaux ;
Sur les tables de jeu, le cœur de l’or tressaille,
Et des rêveurs penchés, aux yeux creusés et beaux,
Voient passer leur espoir sur la face des cartes.

Parmi les feux du vin et les sons des tambours,
Dans l’oubli du travail et de ses durs mystères,
On entend retentir aux places des faubourgs
Le chant mystérieux des fêtes populaires ;

Le bruit des instruments sort des palais ouverts
Et le fer crie au fond des gares gémissantes ;
Un pas de femme meurt le long d’un quai désert ;
L’air est plein de rumeurs et de voix : Paris chante…