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En janvier 1898, M. Maurice Magre abandonna la rédaction de L’Effort pour venir se fixer à Paris, et bientôt après fit paraître La Chanson des Hommes, dont la préface a la valeur d’un manifeste : « Voici des vers de douleur et d’amour. J’ai voulu écrire la chanson des hommes d’aujourd’hui, de ceux que font souffrir l’affaissement des énergies, la pauvreté du cœur, toutes les misères morales et matérielles. Cette œuvre est une plainte, mais aussi un espoir. J’ai voulu chanter la vie, ses tristesses et ses rêves, et les joies possibles pour lesquelles on lutte. J’ai tâché de dire la beauté de l’effort, la pureté du travail, qu’il faut être bon et être simple, aimer. Assez, longtemps le poète a rêvé loin des hommes. L’art est devenu dans ses mains le luxe, le privilège d’une élite. Il faut désormais que sa voix s’élève pour tous ou qu’il ne soit plus. Il y a une majorité qui manque du pain spirituel et qui le réclame parce qu’il est nécessaire à son existence. Que le cri des foules monte donc jusqu’au cœur du poète. Qu’il aille dans les campagnes et dans les villes, partout où des êtres s’agitent et pensent, et que les tragédies humaines animent son œuvre. Que ce soit parmi les rudes travaux des champs ou devant l’amer labeur des usines, son esprit deviendra plus vigoureux et plus pur au sein de la vie. Une plus étroite communion rendra les artistes à l’humanité, et ils seront forts de cette conscience qu’ils doivent être également compris des femmes, des ouvriers, des penseurs, qu’il y a toujours des f>mes à éclairer, un idéal à répandre. En ces jours où l’éducation nous arrête dès l’enfance dans notre développement naturel, je crois que nous souffrons de ne plus savoir agir et de ne plus savoir aimer, de concevoir faussement notre vie. Les forces instinctives se sont épuisées en nous à cause de notre excès de conscience et de pensée, à cause aussi des barrières derrière lesquelles nous les avons enfermées. Notre être est gêné et souffre parce qu’il ne peut se réaliser pleinement. Nous sommes les captifs d’une multitude de préjugés moraux, le fruit de la sagesse universelle, qu’on ne discute jamais et qu’on respecte comme des idoles. Mensonges et faux dieux qu’il faut détruire ! Que l’art pénètre dans nos mœurs, embrasse toutes les formes do la vie ! Il y a des misères plus grandes qu’à aucune époque sur lesquelles il doit porter la lumière. Puissions-nous le saluer, vainqueur des égoismes, libérateur de nos pensées. Qu’il proclame enfin en des chants nouveaux le règne de la simplicité féconde et qui purifie, n

M. Maurice Magre entendait donc être un poète social. Nous ne croyons pas, cependant, qu’il ait — à aucun moment — mérité le reproche, qu’on a voulu lui faire, d’abaisser l’art au niveau de la foule. La clarté et la simplicité n’excluent pas les plus hautes préoccupations de l’artiste, et si dans la Chanson des Hommes, qui est un magnifique rèvo de Charité, l’auteur semble