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Sous le soleil montant, les choses éblouies
Semblent chanter un hymne en l’espace sans bords ;
Et l’âme, émue, entend la tranquille harmonie
Des choses qui s’en vont de la vie à la mort.

Tout est calme. L’on sent que tout est heureux d’être.
De bleuâtres vapeurs montent vers le ciel clair ;
Comme elles, on voudrait doucement disparaître
Dans la vibration lumineuse de l’air.

Car, ici, où les morts se fondent dans la terre,
Où l’église en ruine approche encor du ciel,
L’âme s’apaise ;… mais son calme solitaire
Défaille ; l ame songe au mystère éternel :

Naître, vivre, mourir… A jamais la lumière
Tire du néant noir les êtres tour ù tour ;
Chacun croit découvrir l’aube toute première
Quand il surgit, sous la caresse de l’amour.

O stupeur : commencer ! Virginité d’une âme !
Oublier l’infini Passé dont elle sort,
Courir vers le Bonheur, que le Désir acclame,
En devançant le Temps qui ramène à la mort.

Pourquoi l’espoir, pourquoi l’amour, pourquoi la vie ?
Et pourquoi souhaiter revivre encore, après
La dernière douleur qui guérit l’agonie ?…
Oh ! se fondre dans l’ombre épaisse des cyprès !

— Aujourd’hui, près du fleuve, au bois, ou dans la plaine,
L’aube, autour de mon cœur, a fait chanter ses voix ;
Pourtant, ma rêverie errante me ramène,
Comme toujours, parmi les tombes et les croix.

C’est en vain que je prends les sentiers, où les haies
Font fleurir l’églantier sur les jonquilles d’or :
J’entends toujours la Voix, — est-ce mon âme vraie ? —
Qui me rappelle au champ où reposent les morts.

Dans le bois, les bourgeons sont humides de sève,
On croit voir le bonheur pleurer en souriant.
Mon âme croit renaître à l’amour… mais son rêve
Est de se fondre, tout entière, en le Néant :

N’être plus rien, ne plus souffrir parmi les êtres ;
Ne plus s’abandonner au baiser de l’espoir ;