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Complètement éclos, comme, sur cet étang,
Les nénuphars bercés par la brise indolente.

D’autres n’ont encor pu dépasser le niveau ;
Ce sont ceux-là surtout que, poète, on caresse,
Qu’on laisse à fleur d’esprit flotter avec paresse,
Comme les nénuphars qui bâillent à fleur d’eau.

Mais je sens la poussée en moi vivace et sourde
D’autres pensées germés mystérieusement,
Qui s’achèvent encor dans l’assoupissement,
Comme les nénuphars qui dorment sous l’eau lourde.

(Les Musardises.)

LE PETIT CHAT

C’est un petit chat noir, effronté comme un page.
Je le laisse jouer sur ma table, souvent.
Quelquefois il s’assied sans faire du tapage ;
On dirait un joli presse-papier vivant.

Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;
Longtemps il reste là, noir sur un feuillet blanc,
À ces minets tirant leur langue de drap rouge,
Qu’on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

Quand il s’amuse, il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux tel un ourson drôlet.
Souvent je m’accroupis, pour suivre sa mimique,
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

Tout d’abord de son nez délicat il le flaire.
Le frôle, puis, à coups de langue très petits,
Il le happe ; et dès lors il est à son affaire,
Et l’on entend, pendant qu’il boit, un clapotis.

Il boit, bougeant la queue, et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

Alors, il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l’air étonné d’avoir déjà fini,
Et comme il s’aperçoit qu’il s’est fait quelques taches,
Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.