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Parce qu’on est si vieux, on ne se souvient guère…
Pourtant, je sens en moi se fermer des paupières.

(La Chambre blanche.)

LES TRAINS

Les trains rêvent dans la rosée, au fond des gares…
Ils rêvent des heures, puis grincent et démarrent…
J’aime ces trains mouillés qui passent dans les champs,
Ces longs convois de marchandises bruissant,
Qui pourlapluie ont mis leurs lourds manteaux de bâches,
Ou qui dorment des nuits entières dans les garages…
Et les trains de bestiaux où beuglent mornement
Des bêtes qui se plaignent au village natal…
Tous ces grands wagons gris, hermétiques et clos,
Dont le silence luit sous l’averse automnale,
Avec leurs inscriptions effacées, leurs repos
Infinis, leurs nuits abandonnées, leurs vitres pâles…
Oh ! le balancement des falots dans l’aurore !…
Une machine est là qui susurre et somnole…
Une face se montre et rabaisse le store…
Et la petite gare où tinte une carriole…
Belloy, Sours, Clarigny, Gagnac et la banlieue…
Ohl les wagons éteints où l’on entend des souffles !
La palpitation des lampes au voile bleu…
Le train qu’on croise et qui vous dit qu’il souffre,
Tandis que nous fronçons le sourcil dans nos coins,
Et nous laisse étonnés de son prolongement…
Oh ! dans la halte verte où l’on entend les cailles,
Le son du timbre triste et solitaire !… Et puis
Les voies bloquées avec au loin un sifflet qui tressaille.
Les signaux réguliers dans le dortoir des nuits…
Des appels mystérieux que l’on ne comprend pas…
Et, — oh ! surtout ! — après des bercements sans fin,
Où l’âme s’est donnée comme en une brisure,
L’entrée, retentissante, avec un bruit d’aîrain,
De tout l’effort joyeux et bondissant du train,
Dans les grandes villes pleines de murmures !…
C’est là que vient se casser net le pur rayon