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Mais je veux, plus caché que le nid sous la branche,
Je veux, seul en moi-même, à ma clarté m’asseoir,
Comme un bon ouvrier sous la lampe du soir,
Et dans le marbre intime ouvrer mon âme blanche.

Oh ! je la polirai, laborieux et lent ;
Pour qu’un dessin plus pur, en un marbre plus blanc,
Dessine sa beauté toujours inachevée,

Et pour que, loin des yeux dont le dédain sourit,
Je contemple à jamais dans mon nocturne esprit
Le triomphe inconnu de ma force rêvée.

(Le Jardin Secret.)

ŒUVRE RÊVÉE

J’aurais voulu jeter dans le jour et le vent
Des vers victorieux faits d’un airain vivant,
Flot vaste, effusion bouillonnante et réglée,
Qui, figeant tout à coup son ardente coulée,
Garderait pour jamais, hors du creuset natal,
Le contour inusé des formes du métal
Et le frémissement d’une chair qui respire.
J’aurais voulu dresser sur le temps, leur empire,
Des vers, de souples vers dociles à mes doigts,
Tantôt drapés de plis impérieux et droits
Comme des Dieux rangés par le bras qui les sculpte,
Et tantôt se ruant d’un furieux tumulte
A mon souffle, ou troublés à demi sous ma main
Comme le sein fragile où tremble un cœur humain ;
Des vers, de larges vers tout bruissants de vivre,
Eclatant tour à tour en fanfares de cuivre
Ou glissant comme les baisers que nous rêvons ;
Des vers, de nobles vers somptueux et profonds,
Fleuris de tous les feux des soleils du tropique,
Et pleins aussi pourtant, comme est la nuit magique,
De tout le grand secret d’un abîme sans bords ;
Des vers, d’étranges vers mystérieux et forts,
Chant, saveur et parfum, lueur vive et caresse,
Sève en feu qui fermente ou sang qui court, détresse
Et joie, élan sacré des songes de l’esprit,