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BAIGNER AU POINT DU JOUR…

Baigner au point du jour ses lèvres de rosée,
Secouer l’herbe où la cigale s’est posée,
Frissonner au furtif coup d’aile frais du vent,
Suivre d’un œil bercé le feuillage mouvant,
Prêter l’oreille au cri des coqs dans les villages,
Aux chants d’oiseaux, au bruit des colliers d’attelages,
Offrir l’écho d’une âme heureuse aux mille voix
Sonores de la vie et voir de toits en toits
Le bleu du ciel sourire à l’azur des fumées ;
Quand l’aride midi pèse sur les ramées,
S’allonger, les yeux clos, et languir de sommeil,
Comme un voluptueux lézard, dans le soleil ;
Sentir brûler le corps en amour de la terre,
Flotter sur les rumeurs, sur lair, sur la lumière,
Défaillir, se dissoudre en chose, s’enivrer
De l’arome charnel d’une rose à pleurer,
Percevoir dans son être obscur l’heure qui passe
Et traverse d’un jet d’étincelles l’espace ;
Et quand l’humble Angélus a tinté, quand le soir
Exhale au fond du val ses vapeurs d’encensoir,
Que le soleil, au bord des toits, rasant les chaumes,
Y fait tourbillonner des échelles d’atomes,
Qu’un laboureur qui rentre à pas lourds de son champ
Ebauche un profil noir sur l’or vert du couchant,
Regagner son logis et, les doigts à la tempe,
Bercé par la chanson discrète de la lampe,
Assembler les mots purs du poème rêvé.
Et sur les feuillets blancs du livre inachevé
Fixer, beau papillon, le jour multicolore,
Pourpre à midi, d’azur le soir, rose à l’aurore.

O fêtes de la vie où le chant d’un marteau
Sur l’enclume, la ligne heureuse d’un coteau,
La source, le brin d’herbe avec sa coccinelle,
Font tressaillir en nous l’argile originelle !
Gloire à toi dans l’éther lumineux, dans le mont,
Dans le métal, dans l’eau, dans l’insecte, limon