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L’ANNONCIATEUR


Sur ta haute colonne, ô Poète stylite,
Tu t’es enseveli, tout vivant dans le ciel :
― Sous toi, comme une mer, la Vie en vain s’agite,
Jetant d’un pôle à l’autre un sanglot éternel.

Au seuil de l’Infini tu te dresses dans l’ombre,
Interrogeant l’abîme où le temps vient mourir ;
Son silence te parle, et, dans sa voûte sombre,
Par les trous du soleil tu vois Dieu resplendir.

La foule douloureuse attend dans les ténèbres
Qu’une lueur révèle une route à ses pas
Et qu’une voix réponde à ses appels funèbres ;

Et toi, joyeux d’espoir, tu lui montres là-bas,
Par-delà cette nuit où tout sommeille encore,
Tout au fond des cieux noirs, à l’horizon, l’Aurore.


SOIR RELIGIEUX


La vesprée automnale a la paix d’une église.
Çà et là, sous la lune, un astre, au fond du soir.
Scintille ainsi qu’un cierge au pied d’un ostensoir,
Et, tel un flot d’encens, monte une brume grise.

Comme une foule en deuil massée à l’horizon,
Là bas s étale au flanc des monts la forêt sombre,
Et sa plainte, à travers le mystère de l’ombre,
Longuement psalmodie une sourde oraison.

Tandis qu’en s’étoilant, les tombantes ténèbres
Sèment de pleurs d’argent leurs tentures funèbres,
L’écarlate vitrail du couchant flambe encor ;

Et l’orbe du soleil, de ses lueurs dernières,
Dans les pourpres rubis des célestes verrières,
Fait au loin flamboyer une rosace d’or.