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LE TORSE


Brutalement tordu, raccourci, démembré,
Ce tronc prodigieux d’un corps démesuré
Semble un chêne massif et noueux dont le faîte
Et la base ont été broyés par la tempête.
Une vigueur profonde aux fauves âpretés
Creuse la chair puissante en sillons tourmentés.
Sa poitrine gonflée en des soupirs énormes
Arrondit le contour palpitant de ses formes.
Tandis qu’un soubresaut des muscles violents
Débauche la ceinture et convulsé les flancs.
Ce colossal débris, ce moignon de statue,
Qui frissonnant toujours s’efforce et s’évertue,
Fait rêver au géant du vieux siècle de fer
Ayant un jour étreint corps à corps Jupiter :
Les éclats répétés de la foudre inquiète
Rompirent ses genoux, arrachèrent sa tête
Et jetèrent à bas ses restes fracassés ;
Mais contre le Titan ce n’était point assez,
Son buste hume encor par toutes ses entailles
La rumeur des assauts et le vent des batailles,
Rome, avril 1885.


(Errant.)


APOLLON


Son épaule et ses flancs, ses bras et ses genoux,
Aux nobles flexions, aux vigueurs éternelles,
Sont à la fois si fiers, si puissants et si doux
Qu’on croirait dans l’azur voir onduler des ailes.

La main nerveuse et fine au mouvement distrait,
Main de jeune héros et main de charmeresse,
Est la fontaine vive où la force apparaît
Et d’où s’échappe à flots la rêveuse caresse.

Sur la bouche que ferme un dédain glorieux
Familier de l’azur, dominateur du monde,