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« Et cependant je veux qu’on m’aime,
Malgré les pleurs et les effrois,
Et sous les coups, et sur la croix,
Sans un regret, sans un blasphème,
Sans un doute, toujours, quand même,
Croyant en ma bonté. — J’y crois.

Répliqua le jeune homme pâle,
J’y crois, et toujours j’y croirai.
Pour ton baiser, rien qu’espéré,
Je subirai tout d’un cœur mâle,
Et jusques à mon dernier râle
En l’espérant je t’aimerai.

— Bien ! fit-elle d’une voix brève.
Alors, en marche ! » Et sur son dos
Il sentit d’écrasants fardeaux
Plomber soudain comme en un rêve,
Tandis qu’autour de lui : « Qu’il crève !
Hurlait la meute des badauds.

Et les sots, les méchants, les drôles,
Les infâmes, de tout côté
Ricanaient de le voir voûté
Comme s’il portait les deux pôles,
Contractant ses maigres épaules
Où la Chimère avait sauté.

On gueulait : « A bas la Chimère !
A bas le fou, le cabotin
Chevauché par cette putain !
Pourquoi pas par-devant le maire ?
Poseur ! Farceur ! Salop ! Sa mère
En meurt de honte ce matin. »

Ah ! ce mot le tord, le tenaille !
L’enfant pleure. Il fait un faux pas.
Alors, la Chimère, tout bas :
« Oui, cède au vœu de la canaille.
C’est juste. Il faut que je m’en aille. »
Mais il répond : « Je ne veux pas. « 

On crie : « Horreur ! En quarantaine !
Mauvais fils ! qu’il soit rejeté,
Monstre, hors de l’humanité ! »