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Alors, à ciseler des bijoux de vitrine
J’emploierai mon clair yatagan ;
Alors, ô sang cruel qui fis dans ma poitrine
Passer ce souffle d’ouragan,
vieux sang des aïeux, du sang de la curée
Je serai pour toi l’échanson,
Et je t’en ferai boire une pleine verrée
Pour te payer de ta chanson !


(Les Blasphèmes.)


UN VIEUX LAPIN


Ce vieux, poilu comme un lapin,
Qui s’en va mendiant son pain,
Clopin-clopant, clopant-clopin,

Où va-t-il ? D’où vient-il ? Qu’importe !
Suivant le hasard qui l’emporte
Il chemine de porte en porte.

Un pied nu, l’autre sans soulier,
Sur son bâton de cornouiller
Il fait plus de pas qu’un roulier.

Il dévore en rêvant les lieues
Sur les routes à longues queues
Qui vont vers les collines bleues.

Là-bas, là-bas, dans le lointain
Qui recule chaque matin
Et qui le soir n’est pas atteint.

Il semble sans halte ni trêve
Poursuivre un impossible rêve.
Toujours, toujours, tant qu’il en crève.

Alors, sur le bord du chemin.
Meurt, sans qu’on lui presse la main.
Cet affamé de lendemain.

Étendu sur le dos dans l’herbe.
Il regarde le ciel superbe
Avec ses étoiles en gerbe.