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Là, le dernier reflet du couchant s’est plongé,
Comme en un trou profond et ténébreux, la sonde.

Et rien ne s’entend plus dans ce mystique adieu,
Rien — le site vêtu d’une paix métallique
Semble enfermer en lui, comme une basilique,
La présence muette et nocturne de Dieu.

II


Alors les moines blancs rentrent aux monastères,
Après secours portés aux malades des bourgs,
Aux remueurs cassés de sols et de labours,
Aux gueux chrétiens qui vont mourir, aux grabataires,

À ceux qui crèvent seuls, mornes, sales, pouilleux
Et que nul de regrets ni de pleurs n’accompagne
Et qui pourriront nus dans un coin de campagne,
Sans qu’on lave leur corps ni qu’on ferme leurs yeux,

Aux mendiants tordus de misères avides,
Qui, le ventre troué de faim, ne peuvent plus
Se béquiller là-bas vers les enclos feuillus
Et qui se noient, la nuit, dans les étangs livides.

Et tels les moines blancs traversent les champs noirs,
Faisant songer aux temps des jeunesses bibliques
Où l’on voyait errer des géants angéliques,
En longs manteaux de lin, dans l’or pâli des soirs.

III


Brusque, résonne au loin un tintement de cloche,
Qui casse du silence à coups de battant clair
Par-dessus les hameaux, et jette à travers l’air
Un long appel, qui long, parmi l’écho, ricoche.

Il proclame que c’est l’instant justicier
Où les moines s’en vont au chœur chanter Ténèbres
Et promener sur leurs consciences funèbres
La froide cruauté de leurs regards d’acier.

Car les voici priant : tous ceux dont la journée
S’est consumée au dur hersage, en pleins terreaux,
Ceux dont l’esprit, sur les textes préceptoraux,
S’épand, comme un reflet de lumière inclinée,