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Par économie, il logea
Dans ma juvénile poitrine
Un cœur ayant servi déjà,
Un cœur flétri, tout en ruine.

Il a subi mille combats,
Il est couvert de meurtrissures,
Et cependant je ne sais pas
D’où lui viennent tant de blessures :

Il a les souvenirs lointains
De cent passions que j’ignore.
Flammes mortes, rêves éteints,
Soleils disparus dès l’aurore.

Il brûle de feux dévorants
Pour de superbes inconnues,
Et sent les parfums délirants
D’amours que je n’ai jamais eues !

le plus terrible tourment !
Mal sans pareil, douleur suprême,
Sort sinistre ! Aimer follement,
Et ne pas savoir ce qu’on aime.


(Poésies.)


IL SUFFIT DE FORT PEU DE CHOSE.


Il suffit de fort peu de chose
Au poète, pour être heureux :
Un mot d’amour, de tendres yeux,
Un beau jour, un bouton de rose.

De l’air, un rayon de soleil,
Un éclair qui perce l’orage.
Un doux songe dans le sommeil.
Un oiseau chantant sous l’ombrage,

Et le voilà gai comme un roi !
D’où vient à ses rayons cette ombre ?…
Puisqu’il lui faut si peu, pourquoi
Le poète est-il donc si sombre ?


(Poésies.)