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L’IDYLLE ETERNELLE


Autrefois je vous ai chantés,
Rêves aux splendeurs décevantes,
Et j’ai mis des sonorités
Dans l’or pur des formes savantes.
 
Mes vers ardents, audacieux,
Ailes blanches et larges rimes,
Se perdaient dans les vastes cieux,
Ne se posaient que sur les cimes.
 
Mais, par un matin de printemps,
Une fleurette à peine éclose
(Ô blonde qui n’as pas vingt ans)
M’a charmé, si fraîche et si rose !

Et, l’âme en fête, j’ai compris
La chanson discrète et naïve,
Les mots doucement attendris
Que voulait son âme pensive.

— Le souvenir triste et charmant
D’une enfant qu’on a trop aimée
Sans avoir été son amant,
Rose de passé parfumée ;

Un reproche dans un baiser,
Une larme dans un sourire,
L’aveu qu’on ne voulut oser
Et le mot qu’on n’a pas su dire ;

Le profond, le subtil frisson
Des amours troublantes et brèves,
Voilà ma vie et ma chanson,
Et je ne veux pas d’autres rêves.

Et je vais, me laissant charmer
Dans l’extase de vivre en Elle
Et dans l’enivrement d’aimer,
En chantant l’Idylle éternelle.

{L’Idylle éternelle.)