Ainsi tu gémissais, poète, ami des chênes,
Toi qui gardes encor le culte des vieux jours.
Tu vois l’homme altéré sans ombre et sans fontaines…
Va ! l’antique Cybèle enfantera toujours.
Lève-toi ! c’est assez pleurer sur ce qui tombe ;
La lyre doit savoir prédire et consoler ;
Quand l’esprit te conduit sur le bord d’une tombe,
De vie et d’avenir c’est pour nous y parler.
Crains-tu de voir tarir la sève universelle,
Parce qu’un chêne est mort et qu’il était géant ?
Ô poète ! âme ardente en qui l’amour ruisselle,
Organe de la vie, as-tu peur du néant ?
Va ! l’œil qui nous réchauffe a plus d’un jour à luire
Le grand semeur a bien des graines à semer ;
La nature n’est pas lasse encor de produire,
Car, ton cœur le sait bien, Dieu n’est pas las d’aimer.
Tandis que tu gémis sur cet arbre en ruines,
Mille germes là-bas déposés en secret,
Sous le regard de Dieu veillent dans ces collines,
Tout prêts à s’élancer en vivante forêt.
Nos fils pourront aimer et rêver sous leurs dômes,
Le poète adorer la nature et chanter ;
Dans l’ombreux labyrinthe où tu vois des fantômes,
Un idéal plus pur viendra les visiter.
Croissez sur nos débris, croissez, forêts nouvelles !
Sur vos jeunes bourgeons nous verserons nos pleurs ;
D’avance je vous vois, plus fortes et plus belles,
Faire un plus doux ombrage à des hôtes meilleurs.
Vous n’abriterez plus de sanglants sacrifices ;
L’Age emporte les dieux ennemis de la paix.
Aux chants, aux jeux sacrés, vos séjours sont propices ;
Votre mousse aux loisirs offre des lits épais.
Ne penche plus ton front sur les choses qui meurent ;
Tourne au levant tes yeux, ton cœur à l’avenir.
Les arbres sont tombés, mais les germes demeurent ;
Tends sur ceux qui naîtront tes bras pour les bénir.