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VERE NOVO


Oui, nous pourrons bientôt, par les beaux jours d’avril
Oubliant du travail les heures trop sévères,
Sentir dans les forêts cet arome subtil
Qu’exhalent dans l’air chaud les tendres primevères I

Nous irons nous asseoir sur les sombres rochers
Qui dominent à pic des pentes gazonnées,
Ou, sur un sol plus doux nonchalamment couchés,
Contempler au ciel bleu le vol blanc des nuées.

Nous improviserons des tirades de vers !
Nous admirerons tout : l’alouette qui passe,
Le duvet cotonneux des jeunes bourgeons verts,
Les ruisseaux frémissants délivrés de leur glace,

Le bruit des chariots sur les chemins pierreux,
Les villages fumant dans le fond des vallées,
Les buis rouges encor des dernières gelées,
Et, seuls sur les vieux monts, nous y serons heureux !

Oui, malgré mon désir impétueux de gloire,
Lassé de voir toujours usines et maisons
De leur cercle obsédant fermer les horizons
Et barbouiller l’azur de leur haleine noire,

J’aspire à contempler quelque temps mon pays ;
J’ai besoin de chausser mes vieux souliers de chasse,
Et d’errer dans les prés et les jeunes taillis ;
Mes poumons ont soif d’air, et mon âme d’espace !

Je ne veux plus de quais pour emprisonner l’eau,
Plus de lourd omnibus et plus de bateau-mouche !
Tout, jusqu’au restaurant, me rend triste et farouche
Il me faut du pain bis avec du vin nouveau I

Va-t’en dire aux sentiers des vignes et des plaines,
Aux incultes plateaux que parfume le thym,
Aux oiseaux, aux vents d’est dont les vives haleines
Rendent si pénétrant le charme du matin,