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L’esprit, plus sûrement, maîtrisera le monde.
Nous pouvons nous unir dans une foi profonde :
Avant que les trésors du temps nous soient ouverts,
Croyons que dans les flancs du robuste univers
Rien ne peut dessécher les germes de la vie.
Homme, que désormais ton âme glorifie
(Comme elle offrait hier des hymnes au Seigneur)
Le Droit qui ne meurt pas et l’éternel Honneur.
Lorsque tu douteras, que l’amour te délivre !
Vis en tous et pour tous ; et, si tu veux revivre,
Avec le genre humain pêle-mêle emporté,
Ne cherche qu’en lui seul ton immortalité.

Garde la précieuse étincelle en ton âme,
Cette humble liberté, maigre et chétive flamme
Qui vacille, et qu’il faut empêcher de mourir.
D’autres verront le bien paisiblement fleurir
Dans l’homme et sur la face heureuse de la terre ;
Toi, cherche la bataille ardente et salutaire.

Heureux, quand l’avenir flotte encore incertain,
L’homme dont la vertu fait pencher le destin,
Celui qui, dédaigneux d’une force usurpée,
Dans le plateau du Droit jette sa fière épée !
Heureux l’homme inspiré, le mâle citoyen
Dont la voix guiderait un peuple vers le bien,
Et qui, ne laissant point fléchir sa foi robuste,
Montrerait ce que peut la parole d’un juste !

Tel n’est pas ton destin, poète : mais, du moins,
Tu fais surgir, ainsi que d’austères témoins,
Les générations puissantes que tu nommes ;
Par toi la vie humaine est en exemple aux hommes ;
Tu nourris dans les cœurs le feu d’un noble amour ;
Parfois, prophétisant l’aurore d’un grand jour,
Tu sais venger le Droit par une âpre satire,
Et ton âme s’exalte en rêvant au martyre….

Puissé-je m’approcher de ce haut idéal,
Moi qui dans ma jeunesse, insoucieux du mal,
Évitant la mêlée où l’effort est trop rude,
N’ai cherché que l’amour, l’ombre et la solitude.
Et je pourrai mourir. Que l’oubli soit vainqueur ;