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Qu’il bourdonne avec Sens ou rêve avec Vendôme ;
Riche ou pauvre, humble ou fier, glorieux ou sans nom ;

Surtout s’il est très vieux, croulant, une ruine,
Dressant tout un jardin sur ses murs de granit ;
Fleuri, dans chaque joint tenant une racine ;
Chantant, dans chaque fente abritant quelque nid ;

Aimons notre clocher ! Soyons frères des cloches.
Sachons en pénétrer les puissantes douceurs ;
Et puis, lançons nos voix, frappons l’écho des roches :
Poètes du clocher, sonnons comme nos sœurs !

Le beffroi les retient ; nous, dont le vol est libre,
Nous jetterons plus loin les notes dans les vents.
Que dans nos voix la leur se reconnaisse et vibre :
Soyons leur voix errante au milieu des vivants !

Qu’elle aille triste, ou gaie, ou grave, ou faible, ou forte.
Ignorée ou suivie et fêtée au retour,
Au plus humble parfois la plus belle, qu’importe ?
Et que sa sœur de bronze en tressaille en sa tour !

Aimons notre clocher ! Son ombre est la meilleure,
Seul point fixe pour nous du monde où nous errons.
Voix du clocher natal, voix de la première heure,
Emportons-en l’écho partout où nous irons !

Que son murmure éteint se prolonge en nous-mêmes.
Qu’il soit d’autant plus cher qu’il sera plus lointain !
Aimons notre clocher, donnons-lui des poèmes,
Et rendons-lui, le soir, son hymne du matin !

GERMAINE

Parmi les fleurs de juin celle-là nous est née.
Et comme il fallait bien répondre à son aînée
(Enfant à lèvre rose, aux grands yeux de velours,
Dont la lèvre et les yeux interrogent toujours),
Je lui contai comment la frêle créature,
Dans cette éclosion de toute la nature,
Avait épanoui son visage de lis,
Ouvrant, sous de longs cils, deux grands myosotis,
Et, frissonnante à l’aube, avait été trouvée
Dans un nid d’où la veille avait fui la couvée.