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deux poèmes : Denys, tyran de Syracuse, et Les Légions de Varus (allusion à l’expédition du Mexique), violentes satires dirigées contre l’empire et la politique étrangère de Napoléon III, et qui faillirent livrer leur auteur à la vindicte de la justice impériale, M. France fit paraître, en 1868, une fort belle étude sur Alfred de Vigny, publiée avec une eau-forte de Staal dans la collection du Bibliophile français de Bachelin Deflorenne. « On trouve dans ce volume la formule à quoi peuvent se réduire toutes les théories qu’on agitait chez les Parnassiens, et même celles qu’on leur a prêtées : « La poésie moderne, y écrit France, si souple et si vraie, n’en est pas moins excessive et violente : sa force éclate dans l’effort, et non, comme voulaient les Grecs, dans la sérénité et dans le repos même. Cette beauté tranquille des Hellènes, Alfred de Vigny l’a connue et aimée. Les esprits grossiers, qui ne voient la passion qu’à travers la contorsion et la grimace qu’elle arrache aux faibles, ces esprits que le poète a dédaignés jusqu’à l’oubli, peuvent seuls prendre son calme pour de l’insensibilité[1]. »

Cette formule se trouva en quelque sorte confirmée dans l’œuvre même do M. Anatole France. Son premier volume de vers, les Poèmes dorés, paru en 1873, contient des pages admirables et qui font regretter que sa renommée de prosateur ait relégué un peu trop dans la pénombre le délicieux poète qu’il fut toujours. Ciseleur habile autant que penseur, il compte à coup sûr parmi les meilleurs Parnassiens. La Part de Madeleine et La Danse des morts furent sa première contribution au Parnasse. Ces deux poèmes parurent dans le second volume qui devait être publié en 1869, mais que les circonstances politiques firent ajourner jusqu’en 1871.

Cependant, déjà la légende de Thaïs le préoccupait : « Bachelin de Florenne lui avait confié la rédaction d’une petite revue bibliographique, Le Chasseur bibliographe, qui dura peu. Lu septième numéro, qui fut, je crois, le dernier, contient, à côté d’un article d’Adolphe Racot sur les Parnassiens, un poème, Thaïs, qui est déjà la pensée, sinon la maquette du roman. France n’a pas republié ces vers… »

A cette époque, l’éditeur Lemerre se décida à attacher M. Anatole France à sa maison : « Il l’avait chargé de l’édition de quelques auteurs classiques dans sa Petite Bibliothèque littéraire. France y avait débuté par Racine, un de ses poètes préférés avec André Chénier et Alfred de Vigny ; il avait continué par La Fontaine et Molière. Lemerre, alors, l’investit d’une fonction délicate et formidable : il l’institua son lecteur : il lui livra le sort des manuscrits qu’on lui proposait. Je suppose

  1. Xavier De Ricard, Anatole France et le Parnasse Contemporain (Revue des Revues), 1er février 1902