Ne le dis pas à ton ami,
Le doux nom de ta bien-aimée :
S’il allait sourire à demi,
Ta pudeur serait alarmée.
Ne le dis pas à ton papier,
Quand tout bas la Muse t’invite :
L’œil curieux peut épier
La confidence à peine écrite.
Ne le trace pas, au soleil,
Sur le sable, le long des grèves ;
Ne le dis pas à ton sommeil,
Qui pourrait le dire à tes rêves ;
Ne le dis pas à cette fleur,
Qui de ses cheveux glisse et tombe ;
Et, s’il faut mourir de douleur,
Ne le dis pas même à la tombe :
Car ni l’ami n’est assez pur,
Ni la fleur n’est assez discrète,
Ni le papier n’est assez sûr,
Pour ne pas trahir le poète ;
Ni le flot qui monte assez prompt
Pour couvrir la trace imprimée,
Ni le sommeil assez profond,
Ni la tombe assez bien fermée.
Enfant, à votre première heure,
On vous sourit, et vous pleurez.
Puissiez-vous, quand vous partirez,
Sourire, alors que l’on vous pleure !