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NUIT DE PARIS


Le ciel des nuits d’été fait à Paris dormant
Un dais de velours bleu piqué de blanches nues,
Et les aspects nouveaux des ruelles connues
Flottent dans un magique et pâle enchantement.

L’angle, plus effilé, des noires avenues
Invite le regard, lointain vague et charmant.
Les derniers Philistins, qui marchent pesamment,
Ont fait trêve aux éclats de leurs voix saugrenues.

Les yeux d’or de la Nuit, par eux effarouchés,
Brillent mieux, à présent que les voilà couchés…
— C’est l’heure unique et douce où vaguent, de fortune,

Glissant d’un pas léger sur le pavé chanceux,
Les poètes, les fous, les buveurs, — et tous ceux
Dont le cerveau fêlé loge un rayon de lune.


(A Mi-Côte.)


L’INFINI


Prisonnier de la vie et de ses lois cruelles,
J’ai connu les élans du désir indompté,
Et j’ai toujours frémi devant l’immensité
Comme l’oiseau captif sent palpiter ses ailes.

Le dernier mot, l’énigme, ont eux seuls irrité
Mon désir, dédaigneux des notions réelles,
Mon cœur toujours épris de chimères plus belles
A salué de loin l’idéale beauté.

Amoureux, j’ai pleuré de sentir limitée
Du temps et de la mort l’extase tourmentée
Qui flambe dans le cœur comme un feu de copeaux.

Plus tard, j’ai voulu croire à l’éternelle vie ;
Mais je suis las d’efforts, et ma dernière envie
Est de connaître enfin l’infini du repos.


(Extrait de la revue le Penseur, février 1904.)